La signature du contrat préliminaire ou contrat de réservation est une étape essentielle de l’achat d’un logement neuf (VEFA). À ce stade, vous allez réserver « sur plan » l’appartement que vous avez choisi et fixer les conditions dans lesquelles la vente va s’effectuer.
Mais au-delà de ces aspects pratiques, sachez qu’il s’agit d’un acte juridique qui vous engage avant-même la signature de l’acte de vente définitif et dont le formalisme spécifique mérite une très grande attention. Voici notre dossier ultra complet pour comprendre le mécanisme de la vente en état futur d’achèvement avec de nombreuses références juridiques pour déjouer tous les pièges.
Sommaire
Définition
Engagements du promoteur
Droits et obligations de l’acquéreur
Le contenu du contrat de réservation
Le dépôt de garantie
2 jurisprudences sur lesquelles vous devez vous appuyer
Textes juridiques de référence
Définition
De la même nature juridique que le compromis ou la promesse de vente, le contrat de réservation, de son nom juridique contrat préliminaire, est le seul avant-contrat admis par le Code de la construction et de l’habitation pour la vente d’immeubles à construire. C’est pourquoi il répond à des règles particulières.
Dans le principe, le promoteur s’engage à réserver le logement choisi par l’acquéreur en contrepartie du versement d’un dépôt de garantie.
À savoir : il n’y a aucune obligation légale de signer un avant-contrat dans l’achat d’un logement en VEFA. Toutefois, dans la pratique, les promoteurs proposent toujours la signature du contrat préliminaire, ce qui est dans l’intérêt de l’acheteur.
Engagements du promoteur
Le promoteur doit répondre à de multiples obligations, tant sur le plan de la réalisation de l’ouvrage que des garanties qui couvrent la construction, notamment dans les 4 domaines suivants :
- La conception : il établit l’étude de marché et de faisabilité sur le plan technique, réglementaire et financier.
- Le financement : il souscrit les différents emprunts auprès des banques et établissements de crédit.
- La construction : il sélectionne les différents acteurs pour réaliser les travaux : architectes, entreprises du bâtiment…) et signe les contrats de marché. À noter que sa responsabilité est toujours engagée, même lorsque la faute incombe directement à l’un des sous-traitants. Il reste le seul intermédiaire du réservataire et la Loi lui impose une obligation de résultat. Il doit donc vous livrer le logement dans le délai prévu et sans vices ni défauts.
- La commercialisation : il propose les logements à la vente et fait signer les contrats de réservation.
Important : le contrat préliminaire n’oblige nullement le promoteur à réaliser le programme, mais seulement à accorder une préférence à un lot donné, ce qu’a confirmé une décision de la Cour de cassation en date du 30/11/2011. Dans le cas où l’immeuble ne pourrait être construit, le promoteur n’est tenu qu’à la restitution du dépôt de garantie.
Engagements de l’acquéreur
La signature du contrat de réservation engage l’acheteur au même titre que les autres avant-contrats (compromis et promesse de vente) à la double condition :
- Qu’il n’ait pas utilisé son droit de rétractation
- Que toutes les conditions suspensives soient réalisées.
Nous délivrons dans un dossier complet quelques conseils utiles pour vous aider à choisir votre appartement.
Délai de rétractation
Le délai de rétractation permet à l’acquéreur de se rétracter sans avoir à justifier de sa décision. Le délai commence à courir à compter du lendemain de la première notification par la poste (l’envoi devant être effectué par lettre recommandée avec accusé de réception) ou de la remise en main propre.
Important : il s’agit d’une disposition d’ordre public. L’acheteur bénéficie de la faculté de se rétracter même si elle n’est pas portée dans le contrat de réservation.
La rétractation par l’acheteur dans le délai de 10 jours annule purement et simplement le contrat préliminaire de tous ses effets et rompt l’engagement des parties. Elle entraîne de fait le remboursement intégral du dépôt de garantie.
Conditions suspensives
Une note de l’ANIL (1) (voir lien dans les textes légaux en bas de page) a apporté un éclaircissement sur la condition suspensive de prêt. Elle rappelle que la jurisprudence donne désormais les mêmes droits aux réservataires d’un logement en VEFA que ceux accordés aux signataires d’un compromis de vente, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Désormais, tout refus de financement dans les conditions prévues au contrat de réservation entraîne l’annulation pure et simple de la vente et la restitution intégrale du dépôt de garantie.
(1) : Agence Nationale d’Information pour le Logement
Important : les cas de jurisprudence rapportés par l’ANIL rendent caduques les effets de l’alinéa C de l’Article R 261-31 qui prévoit la restitution du montant du dépôt de garantie uniquement lorsque le promoteur obtient pour le compte de l’acquéreur des prêts immobiliers d’un montant inférieur d’au moins 10 % à celui prévu au contrat préliminaire. De ce fait, la plupart des informations circulant sur le web à ce sujet sont dépassées.
Renonciation de l’achat du logement après le délai
Lorsque la renonciation a lieu après la fin du délai de rétractation, le dépôt de garantie reste acquis au promoteur qui peut alors remettre le logement à la vente.
Important : la perte financière se limite au dépôt de garantie, car à la différence des autres avant-contrats, la clause pénale n’est pas admise dans un contrat préliminaire.
Principales clauses du contrat de réservation d’un logement neuf
Que la signature ait lieu sous seing privé, c’est-à-dire directement chez le promoteur ou authentifiée par un notaire, le contenu du contrat préliminaire répond à un formalisme strict et doit comprendre, faute de nullité, un certain nombre de clauses obligatoires :
- Surface habitable approximative
- Nombre de pièces principales et listes des annexes
- Situation du logement dans l’immeuble
- Descriptif technique annexé, précisant la nature et la qualité des matériaux utilisés, ainsi que les différents équipements prévus à titre individuel et collectif
- Prix prévisionnel et le cas échéant modalités de révision
- Date limite de signature du contrat de vente
- Date prévisionnelle de livraison
- Conditions suspensives, s’il y a lieu
- Montant du dépôt de garantie.
Notre avis : l’échéancier des appels de fonds ne figure pas dans la liste des éléments obligatoires. Nous vous conseillons toutefois de le faire figurer.
Le dépôt de garantie
Montant maximum
Le montant du dépôt de garantie est limité à :
- 2 % maximum du prix de vente si le délai de livraison se situe entre 12 mois et 24 mois.
- 5 % maximum du prix de vente si le délai de livraison est inférieur à 12 mois.
À savoir : lorsque le délai prévisionnel excède 24 mois, le promoteur n’est pas en droit d’exiger le versement d’un dépôt de garantie.
Remise sur un compte séquestre
L’Article R261-29 du Code de la construction et de l’habitation impose au promoteur de verser le montant du dépôt de garantie sur un compte spécialement ouvert à cet effet auprès du notaire ou directement auprès d’une banque. Tout manquement entraîne la nullité de la vente.
Motifs de restitution
En dehors de la rétractation dans le délai légal, le dépôt de garantie doit être restitué intégralement dans les cas suivants :
- La signature du contrat de vente n’est pas réalisée dans le délai prévu.
- Le prix de vente définitif dépasse de plus de 5 % le montant prévisionnel, et ce, quelles qu’en soient les causes.
- Un des équipements prévus n’est pas réalisé.
- La réalisation de l’immeuble fait baisser sa valeur de plus de 10 %.
- L’acquéreur doit effectuer lui-même la demande de remboursement du dépôt de garantie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le promoteur dispose alors de 3 mois pour effectuer le remboursement.
Cas de jurisprudence ayant entraîné l’annulation du contrat de vente
Comme vous pourrez le constater avec les 2 jurisprudences sélectionnées ci-dessous et pour lesquelles vous trouverez plus bas les liens, les tribunaux n’hésitent pas à sanctionner les promoteurs qui ne livrent pas un logement conforme au descriptif technique. Elles montrent à quel point il faut être vigilent lors de la remise des clés de votre appartement neuf. À noter que dans ces deux cas cités, l’acquéreur n’avait pas la possibilité d’exiger des travaux modificatifs.
Suppression de 2 fenêtres
En 1991, un couple refuse de signer l’acte authentique après que le promoteur ait supprimé 2 fenêtres prévues dans les plans d’origine. Les réservataires vont en justice pour réclamer le paiement de dommages et intérêts en plus de la restitution du dépôt de garantie.
La Cour d’appel donne raison aux époux et le promoteur se pourvoit en cassation aux motifs :
- Qu’il a respecté le Code de la construction et de l’habitation en notifiant lors de la convocation à l’acte de vente aux réservataires les changements apportés.
- Qu’il a restitué le dépôt de garantie.
La cour de cassation conforte pourtant la décision de la cour d’appel précisant d’une part que les réservataires ne pouvaient s’attendre à des changements aussi graves (suppression d’une fenêtre dans une chambre et dans le séjour) et d’autre part que le promoteur aurait du notifier le problème dès qu’il a avait eu connaissance.
En agissant aussi tardivement, il a fait perdre un temps précieux aux époux qui auraient pu se tourner plus rapidement vers un nouveau projet. Elle confirme la décision de la cour d’appel et condamne le promoteur au paiement de dommages et intérêts.
Modification des matériaux
Ici, le promoteur prend la liberté de changer les matériaux des menuiseries extérieures. Initialement prévues en aluminium dans l’avant-contrat, il les remplace par des menuiseries en PVC, moins coûteuses. Les clients refusent et réclament via leur notaire la restitution du dépôt de garantie. Le promoteur refuse au prétexte que ces changements apportés sont mineurs et notifient aux réservataires l’annulation de la vente.
Ces derniers intentent une action en justice et réclament la restitution du dépôt de garantie et le paiement de dommages et intérêts. La cour d’appel leur donne raison, une décision confirmée par la cour de cassation. Le promoteur est condamné à la restitution du dépôt de garantie ainsi qu’au paiement de dommage et intérêts couvrant d’une part les frais occasionnés par la mise en place du prêt immobilier et d’autre part le préjudice causé par l’annulation de la signature du contrat définitif.