Après un divorce, le partage du patrimoine oblige les époux à régler l’épineux problème des dettes contractées par le couple pendant le mariage. Des factures impayées aux charges courantes du ménage en passant par les crédits en cours, que deviennent ces dettes ? Les époux sont-ils solidaires en toutes circonstances, même après la séparation ? Que se passe-t-il si l’un des conjoints ne peut pas payer ?
Voici les réponses de nos experts.
Ce que deviennent les crédits souscrits pendant le mariage
Il faut garder à l’esprit que le divorce n’étant pas opposable à l’organisme prêteur, les ex-conjoints restent solidairement responsables des dettes contractées pendant le mariage, et ce, quel que soit le régime matrimonial et les décisions prises dans la convention de divorce.
Continuer à payer ensemble les mensualités
Les époux peuvent continuer à rembourser ensemble les prêts à la consommation souscrits au cours de leur vie commune. C’est le cas par exemple quand le produit de la vente du véhicule est insuffisant pour solder le prêt-auto.
Attention : la défaillance après le mariage d’un ex-époux contraint l’autre à assumer seul le paiement des mensualités.
Solder les prêts en cours
C’est la solution qui pose le moins de problèmes puisqu’elle permet à chacun de repartir sur de nouvelles bases. Il est toutefois possible que la banque applique des pénalités pour remboursement anticipé, le divorce n’étant pas considéré comme un cas de force majeur.
Crédits à la consommation
Lorsque le montant du capital restant dû est supérieur à 10 000 €, les frais de remboursement sont de :
- 0,5 %, si la durée restante est inférieure à 1 an.
- 1 %, si la durée restante est supérieure à 1 an.
Crédit immobiliers
Les pénalités sont généralement de 3 % du capital restant dû, limitées à 6 mois d’intérêt.
Partager les prêts entre les époux
C’est la solution qui doit être privilégiée quand les deux parties se partagent des biens financés par des crédits en cours, comme la voiture ou le logement par exemple. Le conjoint attributaire doit en contrepartie :
- Verser une soulte à l’autre.
- Demander la désolidarisation du prêt. A noter qu’un conjoint peut très bien figurer dans l’acte authentique sans pour autant avoir la qualité de co emprunteur.
Important : les modalités de partage doivent figurer dans la convention de divorce.
Le rachat de soulte
L’opération consiste à racheter la part du conjoint en lui versant une compensation financière correspondant à la moitié de la valeur du bien. Le calcul de la soulte se fait généralement en collaboration avec le notaire. Dans le cas du logement familial, le conjoint attributaire est souvent contraint de souscrire un nouvel emprunt pour financer le montant de la soulte, charge qui s’ajoute parfois à la mensualité du crédit immobilier en cours.
Demander la désolidarisation d’un crédit à sa banque
La question de la solidarité entre les époux se pose avec plus d’acuité quand un des ex-conjoints, co emprunteur d’un emprunt, demande à ne plus figurer dans le contrat de prêt, comme c’est le cas lors du rachat de soulte.
En effet, pour que l’un des ex-conjoints puisse conserver seul le prêt, il faut obtenir l’accord de désolidarisation de la part de la banque. Le conjoint attributaire devra avoir un taux d’endettement inférieur à 33 % de ses revenus et fournir des garanties suffisantes (caution mutuelle ou hypothèque) que cette dernière accède à sa demande.
Dès lors, deux cas de figure peuvent se produire lorsque vous demandez la désolidarisation d’un prêt immobilier :
- La banque accepte de désolidariser le conjoint attributaire, qui s’engage seul à rembourser le prêt.
- La banque refuse au motif que les garanties sont insuffisantes. Les conjoints restent tous deux solidaires de l’emprunt.
Notre conseil : transmettez votre demande à l’avance, car la commission chargée de statuer sur votre dossier met parfois beaucoup de temps avant de se prononcer.
Que deviennent les dettes communes ?
Les dettes ménagères
Les dettes ménagères, c’est-à-dire celles qui ont pour objet les dépenses courantes du ménage (alimentation, impôts, logement, frais de santé…) ou l’éducation des enfants (frais de scolarité, fournitures scolaires…) sont communes, à condition qu’elles ne revêtent pas un caractère excessif ou inutile (Art 220 du Code civil). Peu importe qu’elles aient été contractées par un seul des époux ou par les deux.
En revanche, lorsqu’elles ne concernent pas l’entretien du ménage, les dettes souscrites par un seul époux sont de sa seule responsabilité.
Notez par ailleurs que la solidarité n’est pas rompue au seul motif que l’un des conjoints a quitté le domicile conjugal.
Important : tant que le divorce n’est pas inscrit dans les actes civils, le principe de solidarité continue à jouer.
Cas du découvert bancaire et de la caution
Lorsque sa durée de remboursement excède 3 mois, le découvert bancaire est soumis aux dispositions du Code de la consommation et nécessite l’envoi d’une offre préalable de prêt.
Toutefois, quels que soient le montant et la durée du découvert, l’article 1415 du Code civil précise que le conjoint qui signe seul un accord de découvert bancaire n’engage pas l’autre. Il en va de même pour les emprunts pour lesquels un seul des époux s’est porté caution.
Important : le régime matrimonial (régime de la communauté légale ou séparation des biens) n’entre pas en ligne de compte dans le mécanisme de solidarisation des dettes ménagères.
L’Article 220 du Code civil relatif à la solidarité des dettes
C’est le texte juridique de référence. Il précise que le remboursement des dettes ménagères est de la responsabilité des seuls conjoints, même si elles ont été contractées par un seul d’entre eux. Sont exclues du champ d’application de l’Article 220, les dépenses jugées excessives où ne concernant pas la vie courante du ménage.
Ce caractère s’apprécie au regard des moyens et du train de vie. L’époux qui par exemple a emprunté seul pour financer un véhicule de collection où un voyage doit assumer la charge. En revanche, les mensualités des crédits en cours sont assumées en commun.
Le principe de solidarité entre époux après le divorce
Les décisions prises pendant le divorce ne s’opposant pas aux tiers, les obligations des époux envers les créanciers continuent à s’appliquer jusqu’à l’extinction totale des dettes. Elles restent toutefois limitées aux dettes ménagères.
En revanche, les crédits souscrits après le divorce n’engagent que leurs signataires.
Les dettes professionnelles
Tout dépend du régime matrimonial choisi par l’entrepreneur :
- Si vous êtes mariés sous le régime de la communauté légale, le créancier pourra faire saisir les biens communs.
- Si vous êtes mariés sous le régime de la séparation, vous n’engagez que vos biens propres, sauf dans le cas des crédits professionnels pour lesquels le conjoint s’est porté caution.
À savoir : si l’entreprise a été créée avant le mariage, elle est considérée comme un bien propre.
Séparation des couples en union libre
Les concubins
Le seul engagement auquel sont tenues les personnes vivant en concubinage provient des emprunts pour lesquels ils se sont portés caution solidaire. En cas de rupture, chacun d’eux reste personnellement responsable des dettes qu’il a contractées.
Les couples pacsés
Les couples qui ont signé un pacs répondent aux mêmes obligations que les couples mariés. En cas de séparation, ils restent solidaires des dettes ménagères contractées pendant leur vie commune. Là aussi, il faut attendre que la séparation soit inscrite dans les actes civils pour que la solidarité prenne fin.
En cas de surendettement
Il arrive que la procédure de divorce se déroule après qu’un dossier de surendettement ait été déposé auprès de la Banque de France. Les décisions prises par la commission s’appliquent alors aux deux époux, même si entre-temps le divorce est prononcé.
À savoir : si le dossier de surendettement est déposé après le divorce par l’un des époux, les mesures prises en sa faveur ne s’appliquent pas à l’autre. Ce dernier pourra donc être poursuivi par les créanciers en cas d’impayé.
Un enfant est-il responsable des dettes de ses parents ?
À l’exception du décès et pour les héritiers qui auraient accepté la succession, les créanciers ne peuvent pas poursuivre les enfants pour les dettes de leurs parents. La seule exception concerne les enfants qui se sont porté caution des crédits souscrits par leurs parents.
Références juridiques