On a pour habitude de dire que le compromis de vente contractualise les négociations entre les acheteurs et les vendeurs qui fixent librement dans l’avant-contrat les conditions par lesquelles s’effectue la transaction, notamment le prix de vente. Ce qui n’empêche pas dans certains cas le vendeur d’engager une action en rescision pour lésion. Explications.
Définition juridique
Le Code civil fixe des limites à la « trop » bonne affaire que peut réaliser un acquéreur. Il s’applique aux seules transactions immobilières et définit la rescision pour lésion comme un montant de préjudice subi par le vendeur, équivalent au moins à 7/12e de sa valeur réelle.
L’action en justice s’effectue auprès du Tribunal de Grande Instance dans les deux ans qui suivent la signature de l’acte authentique.
À noter qu’elle ne peut jouer qu’en faveur du vendeur. Une situation contraire, à savoir un prix jugé trop élevé par l’acquéreur ne permet en effet aucun recours.
À savoir : attention aux cessions de parts de SCI dont la vente porte sur des droits. Elles ne constituent pas proprement dite une vente d’immeuble et de ce fait, ne sont pas concernées.
Intenter une action
Toute la difficulté de la procédure consiste à prouver que la vente était inférieure d’au moins 7 douzièmes par rapport au prix du marché.
À titre d’exemple un bien immobilier estimé à 200 000 € ne devrait pas être vendu à un prix inférieur à 83 333 €. ce qui constitue une baisse très importante.
Ce montant s’apprécie au jour où la vente a été réalisée. Il faut savoir que dans une action en rescision pour lésion, les juges s’intéressent au prix incriminé par le vendeur et non aux conditions par lesquelles la vente a été effectuée.
À savoir : les ventes en viager et les ventes par adjudication sont exclues du champ d’application de la rescision en lésion.
L’expertise immobilière
La procédure juridique nécessite une expertise immobilière réalisée par 3 experts indépendants choisis librement par les parties. À défaut d’accord, le TGI nommera directement les cabinets chargés de réaliser l’estimation. Ce formalisme ne facilite pas le travail du tribunal dans la mesure où la diversité des méthodes d’évaluation utilisées par chaque expert peut donner des résultats très différents.
Important : il arrive que le bien subisse des modifications entre le jour de l’acte de vente et la date à laquelle sont réalisées les expertises. Dans ce cas, les experts ne tiennent pas compte des éléments qui peuvent bonifier ou dégrader le bien.
Délai de prescription
Le vendeur dispose d’un délai de 2 ans à compter de la date de signature de l’acte de vente pour engager une action juridique. Passé le délai de prescription, il ne dispose plus d’aucuns recours.
Souvent l’ancien propriétaire prend conscience du préjudice lorsqu’il apprend que l’acquéreur a dégagé une plus-value importante en revendant le bien. Malheureusement, cette revente s’effectue rarement dans un temps aussi court que le délai de prescription.
À savoir : une clause interdisant au vendeur d’avoir recours à une action en rescision pour lésion serait considérée comme abusive.
Si le vendeur a gain de cause
Si les juges valident le recours en annulation de la vente immobilière, l’acheteur a le choix entre :
- Garder le bien et payer le prix estimé par le tribunal.
- Rendre le bien au vendeur.
Dans le premier cas, la différence à régler est égale à :
Prix estimé par le tribunal – [prix effectivement réglé à l’acte de vente + 10 % du prix estimé] + intérêts légaux
Dans le second cas, le vendeur restitue la somme versée à l’acquéreur augmentée des intérêts légaux et la vente est définitivement annulée.
Important : l’action en rescision pour lésion ne remet pas en cause le droit de propriété de l’acquéreur. Seul un nouvel acte authentique (si ce dernier décide de rendre le bien) pourra modifier à nouveau le titre de propriété au profit du vendeur initial.
Calcul
Prenons l’exemple d’un appartement vendu 80 000 € pour lequel le vendeur engage une action en rescision pour lésion. Suite aux 3 rapports d’expertises, le juge estime que la valeur vénale de l’appartement au jour de la vente était en réalité de 170 000 €. Le vendeur a donc été lésé de 5,64/12e de la valeur réelle. Malgré un préjudice très important, il est débouté de sa démarche, celui-ci étant inférieur aux 7/12e requis.