L’achat d’un logement par un couple marié ne nécessite pas de montage juridique et financier particulier, mais suivant le régime matrimonial les choix du statut juridique et du financement peuvent être lourds de conséquences pour les époux en cas de séparation ou de décès.
Voici un guide complet de l’achat immobilier à l’attention des couples mariés.
Après un rappel des 3 principaux régimes matrimoniaux, nous abordons tous les aspects de l’acquisition immobilière à deux et les différentes situations liées au financement, ainsi que l’épineux problème de la gestion des biens en cas de séparation ou de décès.
Sommaire
- Régime de la communauté légale
- Régime de la séparation des biens
- Régime de la communauté universelle
- Financement
- Sort du logement après liquidation du régime matrimonial (divorce ou décès)
Régime de la communauté légale
L’achat du logement en commun s’appréhende tout d’abord en fonction du régime matrimonial, la communauté légale (ou réduite aux acquêts) étant le régime adopté par la majorité des couples mariés.
C’est tout simplement une forme d’indivision patrimoniale où chaque époux détient en pleine propriété la moitié des biens acquis pendant le mariage.
Chacun a le droit de gérer seul les biens appartenant à la communauté, mais l’accord des deux membres du couple est nécessaire pour certains actes importants comme la vente, l’aliénation ou l’hypothèque d’un bien immobilier.
Dans ce régime, il faut distinguer :
- Les biens propres : ce sont ceux que possédaient les époux avant le mariage.
- Les biens communs : ce sont ceux acquis pendant le mariage ainsi que les revenus issus des biens propres (1).
(1) : à titre d’exemple, les revenus locatifs issus d’un appartement appartenant en propre à monsieur ou madame entrent dans la communauté.
Acheter son logement avec des apports en fonds propres
Si les acquisitions immobilières par un couple marié sous le régime de la communauté légale ne posent aucun problème lorsqu’elles sont réalisées à partir des revenus communs, la situation est éminemment plus complexe lorsque le bien est financé tout ou partie par des fonds propres, comme nous allons le voir plus bas.
Aménager la communauté réduite aux acquêts
Pour ceux qui ne se satisfont pas totalement du régime de la communauté légale, mais qui ne souhaitent pas établir de contrat de mariage, il est possible d’aménager le régime en incluant par exemple une clause favorisant le rachat de soulte en cas de séparation, les époux fixant à l’avance les conditions de prix et de versement.
Régime de la séparation de biens
Le régime de la séparation des biens est particulièrement adapté dans 2 situations :
- L’un des deux époux exerce une profession indépendante et ne souhaite pas faire supporter le risque lié à son activité professionnelle sur le patrimoine du conjoint.
- L’un des deux époux dispose d’un patrimoine important acquis avant le mariage et désire en garder le contrôle.
Mais rien n’empêche le couple d’acheter le logement principal en commun. Il sera alors soumis au régime classique de l’indivision et chacun sera propriétaire en fonction de son apport.
La société d’acquêts
Cette situation pénalise toutefois l’époux qui ne possède aucun capital et dont la quote-part s’avérerait nettement inférieure à celui qui dispose de fonds propres. Pour pallier cet inconvénient, il est possible d’introduire dans le contrat de mariage une clause de société d’acquêts.
Ce dispositif permet par exemple au couple d’acquérir sa résidence principale et d’en partager la pleine propriété tout en bénéficiant des avantages du régime de la séparation des biens.
À savoir : même si le logement principal est un bien propre, il peut être géré par l’un ou l’autre époux.
La clause de tontine
Le pacte tontinier offre une alternative au régime de l’indivision. il s’insère dans l’acte de vente et assure au conjoint survivant la pleine propriété du logement qui, après le décès du premier époux n’entrera pas dans l’assiette successorale. Mais, malgré ses avantages, la tontine immobilière reste peu utilisée.
À savoir : le conjoint survivant doit quand même s’acquitter des droits de succession.
Régime de la communauté universelle
Le régime de la communauté universelle est en fait une extension de la communauté légale. C’est le contrat idéal pour les couples sans enfants qui souhaitent protéger au maximum le conjoint survivant, car il offre la meilleure protection, grâce notamment à la clause d’attribution intégrale.
Son principe est simple : tous les biens appartiennent en totalité à l’un et à l’autre, qu’ils aient été acquis avant ou pendant le mariage. Intéressant pour l’époux dont le patrimoine est très inférieur à celui du conjoint.
En cas de décès, la succession ne sera pas ouverte et l’ensemble des biens reviendra au conjoint survivant, sans qu’il y ait de droits à régler. Elle ne le sera qu’au décès du second.
Le choix du régime de la communauté universelle a toutefois des conséquences importantes sur les éventuels héritiers, ces derniers étant doublement pénalisés :
- D’abord parce qu’ils n’hériteront pas au décès du premier époux comme c’est le cas dans les autres régimes.
- Ensuite parce qu’ils ne bénéficieront qu’une seule fois des abattements prévus par la loi.
Important : une fois instaurée, la clause d’attribution intégrale est irrévocable.
Financement de l’acquisition
Le financement peut impacter la protection patrimoniale des époux, notamment lorsque le projet porte sur la résidence principale. Que vous releviez d’un régime communautaire ou séparatiste, sachez que l’origine des fonds est déterminante.
Logement financé en totalité par les revenus du couple ou par un apport commun
Dans ce cas, chaque époux est co emprunteur du prêt immobilier est devient propriétaire pour moitié du bien. Pour éviter le cadre de l’indivision, rappelons que les couples mariés sous le régime de la séparation des biens peuvent créer une société d’acquêts qui permet notamment d’acquérir en commun la résidence principale.
Logement financé tout ou partie par des fonds propres
La règle est simple : lorsqu’une partie de l’apport personnel est issue de fonds appartenant en propre à l’un des époux, la quote-part correspondant à cet apport est un bien propre, ce qui ne va pas sans poser de problème en cas de séparation. Il en va de même lorsque le montant de l’apport respectif est sensiblement différent.
Cela vaut autant pour les régimes communautaires que séparatistes, à condition que la part correspondant aux biens propres soit parfaitement identifiable et inscrite dans l’acte authentique par le notaire.
Prenons à titre d’exemple, un bien acheté 200 000 € et financé comme suit :
- Apport personnel de 50 000 € provenant des fonds propres de l’un des époux
- Prêt immobilier pour la différence.
Ce bien n’entrera dans la communauté qu’à hauteur de 150 000 €.
À savoir : si la contribution d’un époux est jugée excessive par rapport à ses revenus, le juge peut décider du versement d’une « récompense » versée par l’autre époux.
Les aides à l’accession
Le premier achat immobilier d’un jeune couple permet de bénéficier d’aides à l’accession délivrées par l’Etat et par les collectivités locales. Les conditions d’accès sont généralement les mêmes : primo accession telle que définie par les pouvoires publics, respect des conditions de ressources et de logement.
Remboursement des échéances par un seul époux
Le remboursement du prêt immobilier constitue une charge commune au couple. Cet aspect du financement, conforté par une décision de la cour de cassation s’applique même lorsque le bien a été financé à l’aide des revenus d’un seul de ses membres. La cour a par ailleurs rappelé qu’il est normal que les charges du ménage pèsent proportionnellement aux capacités financières de chacun.
Caution solidaire d’un prêt immobilier
Hormis le cas où l’achat immobilier repose sur les seuls revenus d’un membre du couple, la banque exige habituellement que chaque époux se porte caution personnelle et solidaire de l’autre à hauteur de la totalité du prêt.
Le cautionnement engage irrémédiablement le patrimoine des époux, y compris après le divorce. Rappelons que contrairement à la caution simple, la caution solidaire permet à l’organisme prêteur de se retourner contre l’époux solidaire dès la première échéance impayée.
Par ailleurs, la Loi du 1er mars 1984 impose aux banques d’informer chaque année les cautions sur le montant du capital restant dû.
Important : les emprunts souscrits par un seul époux sans l’accord du conjoint engagent uniquement celui qui les a contractés.
Construction sur le terrain appartenant à l’un époux
Si vous envisagez de construire une maison individuelle sur le terrain appartenant en nom propre à l’un d’entre vous, sachez que la loi considère que le « droit du dessous » l’emporte sur le « droit du dessus ». Autrement dit, la maison construite sur un terrain appartenant en nom propre à Madame lui appartient en totalité tant bien même elle aurait été construite avec les revenus communs du couple.
En cas de séparation, Monsieur percevra une indemnité financière (récompense) à hauteur de sa participation et de la valeur du bien.
Liquidation du régime matrimonial
En cas de séparation
Dans les régimes communautaires
Les biens immobiliers acquis après le mariage sont partagés pour moitié entre les époux. Ceux qui appartenaient à l’un ou l’autre des époux avant le mariage restent des biens propres. Lorsque des prêts immobiliers souscrits avant le mariage ou des travaux sont payés à l’aide des revenus communs, le conjoint non propriétaire a droit à une indemnité équivalente à la moitié des dépenses engagées.
Dans les régimes séparatistes
Sauf pour les couples ayant opté pour une « société d’acquêts », l’indivision prime dans le régime de la séparation de biens. Chaque époux est propriétaire en fonction de ses apports et doit rembourser les prêts immobiliers selon sa quote-part.
Attention : la quote-part de chaque indivisaire doit être inscrite dans l’acte de vente, faute de quoi le bien sera considéré comme étant acquis à 50/50.
Rachat de soulte au conjoint
C’est une solution qui présente bien des avantages pour les couples avec des enfants à charge, ces derniers pouvant alors continuer à vivre dans leur résidence habituelle.
Elle nécessite toutefois de résoudre l’épineux problème de l’estimation financière du bien, le couple ne s’entendant pas toujours sur le prix. Lorsqu’aucun accord amiable n’intervient sur la valeur du bien, il convient d’ordonner une expertise immobilière (payante) ou de déléguer une ou plusieurs agences immobilières pour faire établir une estimation.
Le rachat de soulte pose également pour le conjoint attributaire le problème du financement, ce dernier devant prendre la moitié des mensualités à sa charge et de plus obtenir un financement pour racheter la part de l’autre.
Lorsque les époux sont cautions solidaires et personnelles, ce qui est le cas généralement de tous les co emprunteurs, il est nécessaire de transmettre à la banque une demande de désolidarisation du prêt immobilier.
À savoir : la banque n’est pas obligée d’accepter de désolidariser le conjoint non attributaire.
Convention d’indivision provisoire
En attendant le jugement de divorce définitif, il arrive que le juge attribue le logement familial au conjoint ayant la garde des enfants. Il fixera une indemnité d’occupation, mais il peut également décider d’une occupation à titre gratuit. Le couple peut d’ailleurs s’accorder à prolonger cette situation en signant une convention d’indivision par laquelle il fixe les conditions du maintien de l’époux attributaire dans le logement principal.
En cas de décès
Pour les couples mariés sous le régime de la communauté légale
Les biens propres du défunt et la moitié du patrimoine commun (1) entrent dans l’actif successoral, le conjoint survivant ayant le choix entre 1/4 de la pleine propriété et la totalité de l’usufruit. Ces dispositions offrent ainsi la possibilité à ce dernier de continuer à vivre dans le logement principal.
Attention : le conjoint survivant ne bénéficie pas de l’usufruit lorsque l’époux décédé avait un ou plusieurs enfant (s) issu (s) d’un autre mariage. Il convient alors de prévoir de faire une donation entre époux.
À noter que les biens immobiliers appartenant en nom propre au conjoint survivant restent sa propriété et n’entrent pas dans l’assiette successorale.
(1) : la moitié du patrimoine commun est considérée comme appartenant au conjoint survivant et n’entre donc pas dans la succession.
Pour les couples mariés sous le régime de la communauté universelle
Aucune succession n’étant ouverte, tous les biens appartiennent en totalité au conjoint survivant.
À savoir : lorsque le patrimoine porte sur des biens immobiliers, le recours à un notaire est obligatoire, car le transfert de propriété nécessite une nouvelle inscription au fichier des hypothèques.
Pour les couples mariés sous le régime de la séparation de biens
Comme pour les couples mariés sous le régime de la communauté légale, la succession s’effectue au premier décès sur les biens propres du défunt et la moitié des biens communs, dans les mêmes conditions que le régime communautaire.
Important : l’assiette successorale est composée des actifs (biens immobiliers, mobiliers, comptes bancaires…), mais aussi des dettes. Les emprunts sont donc déduits de la valeur des biens immobiliers auxquels ils sont rattachés.